Elon Musk fêtait ses 50 ans cette semaine. On le connait bien sûr pour ses nombreuses innovations. On lui doit évidemment Tesla, la compagnie de voitures électriques avec des portes qui s’ouvrent par en haut, comme dans le futur. On lui doit aussi Space X, qui est en train de rendre beaucoup plus abordables les voyages spatiaux. Le Sunwing de l’espace.
Il y a aussi l’Hyperloop, ce tube magnétique qui pourrait éventuellement transporter des gens à 1200 km/h, soit 1200 fois la vitesse de pointe sur le boulevard Décarie à 17h un jeudi soir. Ce n’est pas pour rien qu’on le qualifie de visionnaire.
Quoiqu’en mars 2020, il écrivait sur Twitter: “Selon la tendance, on aura probablement autour de zéro cas de COVID d’ici la fin avril aux États-Unis”. Visionnaire, oui, mais à temps partiel.
C’est aussi à lui que l’on doit la démocratisation du lance-flamme. Et parmi ses plus récents exploits, il a offert une Tesla à un gars qui mange sa pizza à l’envers, en commençant par la croûte, une fois par jour sur TikTok. Think outside the box. Il faut briser les paradigmes de la pizza. Il faut aller jusqu’au bout de nos rêves. Voilà la pensée d’Elon Musk.
Par contre, il n’est pas question de cette histoire de pizza dans la biographie “Elon Musk, l’homme qui invente notre futur” de Luc Mary. On parle plutôt ici d’une hagiographie. Un éloge sur 160 pages de cet homme plus grand que nature. Le nouveau Messi. En fait, Jésus, c’est de la petite bière à côté de Musk si j’ai bien compris.
La biographie se lit d’ailleurs comme le catalogue Distribution au consommateur. On a envie de tout acheter tellement c’est bien présenté. Le titre du premier chapitre laisse peu de doute sur les intentions de l’auteur: “Le Christophe Colomb du 21e siècle”. Et Luc Mary s’y connaît en matière de personnages illustres, il a écrit la biographie de Mary Stewart et Jeanne D’Arc, entre autres.
Il a toutefois clairement un petit kick sur Elon Musk: “À n’en pas douter, Elon Musk incarne à lui seul l’association de la science et de l’imaginaire, du pragmatisme et de l’audace, de l’ingéniosité et de l’ingénuité.”
Tout ce qu’Elon fait, c’est pour le bien de l’humanité selon lui. Pour sauver la planète. J’ai l’impression que c’est aussi un peu pour faire de l’argent. Parce que la fortune d’Elon Musk tournerait autour de 155 milliards de dollars. Ça, c’est quand même 15 fois le prix du futur 3e lien à Québec. C’est énorme.
Et en passant cet amoureux de l’humanité aurait payé… zéro dollar d’impôt en 2018. La comparaison à Jésus ne tient pas toujours la route. Si Elon avait multiplié le pain comme lui, il l’aurait tout gardé pour se faire des toasts.
On parle peu de sa vie privée dans cette biographie. Bien sûr, il est question de l’adorable X Æ A-12, la fille qu’il a eue avec la chanteuse Grimes. Mais il a aussi eu cinq enfants avec sa première femme. Une paire de jumeaux et un trio de triplets. Il est d’ailleurs question dans le livre de son entreprise de séduction à l’endroit de sa première épouse, Justine.
“Mais voilà qu’un geek aux allures d’adolescent l’assaille jour et nuit. Des dizaines de fois, Justine exprime son intention d’arrêter toute relation avec Elon, mais c’est mal connaître la complexité de la psychologie féminine. Tout en repoussant régulièrement ses avances, elle finit toujours par lui pardonner ses assauts. Au fil des mois, la jeune femme lâche du lest.“
Que c’est romantique! Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. Mais bon, c’est le sauveur de la planète, on ne va pas insister sur ses techniques de séduction douteuses.
Évidemment, on parle dans ce livre de la vie d’Elon Musk, né à Pretoria en Afrique du Sud à l’époque de l’apartheid, même s’il n’a pas trop été affecté par ça parce que ça ne se passait pas dans son quartier. C’est là qu’il a commencé l’université.
“Lors de sa dernière année à Pretoria, il s’était inscrit à l’université, pour y suivre vaguement des cours de physique quantique. Mais son esprit était ailleurs, de l’autre côté de l’Atlantique, sur cette terre lointaine dont on vantait l’esprit d’initiative et d’innovation. « L’Amérique, je veux l’avoir et je l’aurai », clame une célèbre chanson de Joe Dassin.”
Et il est débarqué où, en Amérique Elon? Oui, dans la « capitale du Québec »… Montréal. En tout cas, c’est ça qui est écrit dans le livre. Il ne reste pas à Montréal très longtemps, parce qu’il ne connaît personne et n’a aucun plan de match. Nous avons manqué notre chance de bien l’intégrer. Tesla aurait pu être un fleuron du Québec Inc.
Il finit par étudier à Kingston en Ontario avant de s’en aller dans la Silicon Valley pour fonder PayPal, un pionnier des transactions bancaires sur internet. En fait, il fonde une compagnie qui fusionne avec PayPal, qui est vendu par la suite à eBay pour 1,5 milliard de dollars en 2002. C’est à partir de là qu’Elon Musk a l’argent pour financer ses projets de mégalomane, dont son plan pour aller sur mars.
Semble-t-il que c’est ce qui le motive le plus: conquérir et coloniser Mars. Dès 2002, il s’intéresse à la planète rouge. C’est sur ses projets spatiaux et sur mars que le livre passe le plus de temps d’ailleurs.
Probablement le bout le plus intéressant du livre pour moi. J’ai lu la trilogie de Kim Stanley Robinson. Red Mars, sur la colonisation de mars alors je m’y connais en matière de terraformation. Donnez-moi une planète, et je vais vous faire pousser des patates dans mes petits besoins.
Elon, lui, veut envoyer des colons sur mars en 2024 et coloniser la planète de façon permanente d’ici 2070. Ça, coloniser, si je me fie à l’histoire du monde, ça veut dire bâtir une colonie et exterminer les martiens. Il est le Christophe Colomb du 21e siècle ou il ne l’est pas.
2070, ça peut sembler trop proche, mais on se rappelle que le premier vol de l’avion des frères Wright était en 1903. Et 66 ans plus tard, on débarquait sur la lune. Ça va vite des fois.
Et encore une fois lorsqu’il est question de mars, il donne un vernis de noblesse à ses projets.
« Il le clame haut et fort : la planète rouge deviendra le second berceau de l’humanité d’ici la fin du siècle et sera peuplée d’un million de personnes dans les cinquante ans à venir. Cette « colonie » permettra, selon le fondateur de SpaceX, d’assurer la survie de l’espèce humaine au cas où son existence serait menacée sur Terre. »
Bon, je ne dis pas que c’est une mauvaise idée, même que ça m’excite au plus haut point, mais pour sauver l’humanité, vaudrait peut-être mieux commencer par sauver la terre.
La science-fiction revient souvent dans l’histoire d’Elon Musk. Il nomme ses fusées en hommage à Star Wars, il cite de vieilles séries télé de science-fiction et s’inquiète des dangers de l’intelligence artificielle en évoquant Terminator. Malgré ça, il possède une compagnie qui veut implanter des puces électroniques dans nos cerveaux. J’espère que Sarah Connor est prête à reprendre du service.
Reste qu’il a relancé les projets spatiaux américains. La NASA avait pris du retard, et avec l’offre de Space X, ils sont revenus sur la mappe. Et même s’il est loin d’être parfait, on ne peut pas être contre les voitures électriques, la vie sur mars, le transport en commun hyper rapide comme l’hyperloop, qui est “le mode de transport écolo le plus fabuleux pour le futur de l’humanité, qui, loin de bannir le progrès technologique et la vitesse, les déifie en véritables sauveurs de notre monde.” C’est écrit dans le livre, ça doit être vrai.
Et parlant de « déifier », tout ça renvoie au mythe de Prométhée. Le Dieu grec. Prométhée qui avait dérobé le feu sacré de l’Olympe pour en faire don aux humains, ce qui avait mis Zeus en beau maudit, on s’en souvient. Grâce au feu, les hommes ont pu chauffer leurs maisons et leurs aliments et commencer à fabriquer des outils. Prométhée a symboliquement apporté la technique aux hommes.
C’est peut-être ce que pense faire Musk. Profiter de sa fortune pour développer des technologies qui vont aider l’humanité. Un personnage qu’on admire sans nécessairement l’aimer.
Vous pouvez écouter la version de cette chronique sur la page de On dira ce qu’on voudra.
[…] y dit, Elon Musk, il y a une chance sur plusieurs milliards que l’on ne vive pas dans une réalité virtuelle, […]